jeudi 4 mars 2010

La Belgique est championne des essais cliniques

Médecine Menacé par l’émergence de tests menés en Inde ou en Chine, notre pays veut optimiser l’offre de tests pharmaceutiquesAvec 60 essais cliniques par an et par million d’habitants, la Belgique est championne du monde de la spécialité, d’après une étude effectuée par le cabinet Deloitte, commandée par quatre associations actives dans les essais cliniques et dont les résultats ont été révélés vendredi. C’est une première : les données sont celles, très discrètes, de la déclaration obligatoire de ces essais à l’Agence fédérale du médicament.Elles ont été utilisées pour dresser une première photo du secteur, mais celle-ci ne révélera pas, par exemple, qui sont les cinq premiers opérateurs pharmaceutiques du secteur. Pour les établissements universitaires, par contre, la donnée est disponible, puisqu’elle ne peut permettre d’inférer une position commerciale dominante : comme le montre notre infographie, la KUL, l’UZ Gent, l’UCL et l’ULB trustent les quatre premières places, devant l’Organisation européenne pour la recherche et le traitement du cancer. On voit que cette participation varie aussi notablement en fonction de la phase d’essai clinique envisagée, dont chaque étape valide d’autres types de questions (voir ci-contre).Sur un million de molécules, un millier seulement sera sélectionné avant d’aboutir à un seul médicament effectivement sur le marché. Avec un coût de développement qui est évalué autour du milliard d’euros. Or, entre le dépôt du brevet et son expiration, vingt années vont certes s’écouler, mais aussi comprendre la réalisation des phases 1 à 3 des essais cliniques. L’autorisation de mise sur le marché aboutit généralement au bout de dix ans, mais le remboursement exige encore trois années supplémentaires, ce qui laisse environ sept années pour rentabiliser le processus, les firmes ayant aujourd’hui tendance, après la chute de leur brevet et l’apparition autorisée des médicaments génériques, à tenter de conserver leur marché en diminuant leur prix. Cette durée a d’ailleurs tendance à se réduire encore. Conjointement avec la mondialisation des acteurs du pharma, de plus en plus regroupés dans des groupes géants, elle peut représenter une menace : ainsi, quasi plus aucune firme ne développe aujourd’hui de nouvel antibiotique, alors que la résistance aux molécules se développe progressivement, rendant quasiment incurables des maladies comme la tuberculose extrarésistante.« Pour la première fois, le nombre d’études cliniques a diminué »Pourtant, ainsi que le révèle l’enquête de Deloitte, la variété des domaines couverts est large (voir infographie). « Le succès de la Belgique est dû à d’excellentes infrastructures, à la proximité de nombreux centres de la connaissance et de personnels scientifiques expérimentés, explique le professeur Leo Nels, directeur général de Pharma.be, fédération pharmaceutique de Belgique, une des quatre associations. C’est d’ailleurs ce qui fait notre attractivité pour les phases 1 et 2, où l’expertise scientifique est très élevée ».« Mais cette avance est menacée par l’émergence de nouveaux centres d’excellence dans le monde, comme dans les pays de l’Est, en Chine ou en Inde. En 2009, pour la première fois depuis longtemps, le chiffre d’essais cliniques en Belgique a diminué, passant à 257, soit le niveau atteint en 2007, explique le docteur Monique Podoor, présidente de l’Association belge des médecins pharmaceutiques. Le nombre d’études réalisées dans les pays d’Europe centrale et orientale a triplé en 5 ans et le coût d’une étude réalisée dans un pays en développement est aisément divisé par deux. »La Belgique a déjà adapté son arsenal thérapeutique : ainsi, il suffit de deux semaines pour obtenir l’autorisation de procéder à une étude clinique, décision favorable pour plus de 8 études sur 10. Pour chaque phase de tests, l’entreprise pharmaceutique est tenue de présenter toutes les données obtenues aux autorités sanitaires et aux comités d’éthique, qui donnent l’autorisation de poursuivre. Ces autorités doivent surtout veiller à ce qu’aucun risque injustifié ne soit pris avec la santé des patients volontaires, dont l’écrasante majorité est composée de parents de patients qui ont bénéficié de nouveaux médicaments. Ou qui auraient pu en bénéficier, s’ils avaient été élaborés plus tôt.CONTEXTEQue signifient les différentes phases des études cliniques ?Phase I. Le candidat-médicament est administré à un être humain pour la première fois. L’objectif est d’évaluer la sécurité du produit et de déterminer les doses tolérées. Le but n’est pas de mettre en évidence son efficacité. En général, ces études sont réalisées sur un groupe constitué d’une dizaine à une centaine de sujets volontaires et sains.Phase II. Ces études visent à établir l’efficacité du médicament. Elles permettent aussi de déterminer le dosage optimal pour les études ultérieures. Elles sont réalisées avec un nombre limité de patients (100 à 400) et pour certains d’entre eux au moins, selon un schéma en double aveugle avec randomisation et contrôle par placebo.Phase III. Ces études rassemblent un échantillon de patients beaucoup plus large et comparent l’efficacité thérapeutique et la toxicité du candidat-médicament à celles du traitement de référence.Phase IV. Au cours de cette phase, le médicament, autorisé, est utilisé à grande échelle. Des études observationnelles permettent de suivre son utilisation sûre.